Netanyahu et le Hamas : flux financiers et calculs politiques à Gaza
Entre 2009 et 2023, sous les mandats de Benjamin Netanyahou, des révélations médiatiques et judiciaires montrent un double jeu du pouvoir israélien à Gaza.
10/12/20253 min temps de lecture


Hamas et Likoud : une stratégie de long terme
Depuis les années 2000, Israël a adopté une approche consistant à renforcer le Hamas à Gaza tout en affaiblissant l’Autorité palestinienne (AP) en Cisjordanie. Cette stratégie visait à maintenir la division palestinienne et à limiter la consolidation d’un État palestinien unifié. Le Hamas, en tant que mouvement religieux, constituait un adversaire plus facile à présenter aux yeux de l’opinion publique internationale, notamment en l'associant à d'autres groupes djihadistes comme Daech. Cette perception permet de justifier des opérations militaires et des pressions politiques, au nom de la lutte contre le terrorisme et l’obscurantisme religieux, là où s’attaquer à des mouvements laïcs est plus difficile à légitimer. Bezalel Smotrich, député et ministre des Finances israélien, a résumé cette logique en 2015 : « L’Autorité palestinienne est un fardeau ; le Hamas est un atout ».
Les transferts financiers, notamment qataris, vers Gaza ont été facilités par des intermédiaires israéliens, dans le but de stabiliser la situation sur le terrain et d’assurer la sécurité d’Israël selon leurs dires. Toujours en 2015, des cadres du Hamas, dont Moussa Abou Marzouk et Khaled Mechaal, avaient reconnu l’existence de contacts avec Israël. Quatre ans plus tard, lors d’une réunion à huis clos du Likoud, le Jerusalem Post rapporte que Benyamin Nétanyahou a défendu l’autorisation faite au Qatar de transférer des fonds vers Gaza pour payer les 22 000 fonctionnaires civils du Hamas.
Shlomi Fogel : proche et intermédiaire
Shlomi Fogel est un milliardaire israélien, actionnaire principal de la holding Ampa et copropriétaire d’Israel Shipyards. Il est souvent décrit comme un ami proche de Benjamin Netanyahu. Selon une enquête de Haaretz, fondée sur des documents obtenus par TheMarker, Fogel a été impliqué dans la coordination de transferts d’argent qataris vers Gaza, via des contacts étroits avec Mohammad al-Emadi, diplomate qatari chargé de superviser les programmes de reconstruction dans la bande de Gaza. D’après cette enquête, Fogel a servi d’intermédiaire pour relayer des flux d’argent et des instructions entre Doha et des sociétés privées comme Orbis/SRS, en lien avec le bureau du Premier ministre. Fogel a nié toute affiliation directe avec ces sociétés opérant sur le terrain.
Qatargate et manipulation politique
L’affaire dite du Qatargate a éclaté début 2025. Une enquête du Times of Israel a révélé que plusieurs collaborateurs proches de Benjamin Netanyahu auraient mené des opérations de communication en faveur du Qatar, alors principal médiateur entre Israël et le Hamas dans les négociations sur les otages israéliens détenus à Gaza depuis les attaques du 7 octobre 2023.
Parmi eux, Eli Feldstein, ancien porte-parole militaire du bureau du Premier ministre, et Jonatan Urich, conseiller en communication de Netanyahu, ont été mis en examen en mars 2025 pour divulgation de documents classifiés, contacts avec un agent étranger et atteinte à la sécurité de l’État (The Times of Israel, 22 mars 2025).
En parallèle, des notes internes et éléments de langage préparés par Yisrael Einhorn, autre ancien conseiller de Netanyahu, auraient été diffusés dans plusieurs médias pour présenter le Qatar sous un jour favorable, en contraste avec l’Égypte, pourtant alliée stratégique d’Israël.
Selon les enquêteurs, cette communication visait à préserver le rôle du Qatar dans le financement de Gaza, considéré par certains proches du pouvoir comme un levier de stabilité indirecte vis-à-vis du Hamas (une stratégie dénoncée comme cynique mais jugée politiquement utile au gouvernement israélien).
SOURCES
Haaretz – Netanyahu confidant expedited Qatari cash to Gaza, at Hamas request, 29 mars 2025
Le Hamas et le monde - Leila Seurat
L'Orient Le Jour - Netanyahu aide, soldier accused in leak case that shook Israel